Un peu d’histoire… à l’Historial de Péronne
Temps moisi prévu pour ce samedi, mais j’ai trop envie de bouger pour rester à regarder le gris par la fenêtre. Alors ce sera musée. Mais tant qu’à faire, autant en choisir un qui soit raccord avec mes trips précédents. Ce sera donc l’Historial de la Grande Guerre à Péronne. La porte à côté bien sûr… Je m’équipe donc : Veste et gants chauffants, fin pantalon de pluie essentiellement pour couper le vent. L’appareil photo est de la partie mais pas la caméra. Et ce sera sans regrets pour cette dernière.
Avant de m’y rendre je vais faire un crochet (et pas un petit) pour me procurer un tour de cou étanche. Et comme plusieurs avis glanés sur différents sites disaient qu’il était très rigide, je voulais essayer avant. A 60€ le bout de tissu, ça valait bien un crochet !! Bref je suis passé chez Ixtem Moto à Pierrelaye. Toujours aussi gentils. J’ai vu, essayé, acheté et adopté…
Ca, c’est du détour !
Ensuite j’ai rejoint l’A1 pour grimper jusqu’à Péronne. Du ruban de bitume sans intérêt sauf le plaisir du régulateur de vitesse à moto. Ca me manquait énormément sur Suzi lors des portions autoroutières. Le temps est gris moche, parfois avec un peu de pluie. Au chaud dans mes frusques électrifiées, je vais juste trouver le temps long… Une pause café (j’ai pensé à emmener la Thermos !) pour couper la monotonie du trajet sera la bienvenue.
C’est jour de marché à Péronne. Pas facile donc de se garer. Enfin, pas facile, c’est relatif. Car quand on vient de Paris, ce n’est jamais très compliqué ! Je vais trouver une place derrière l’église, ce qui me permettra d’aller la visiter un peu plus tard. Tant qu’à faire…
Historial
Eglise Saint-Jean-Baptiste
Le musée de l’Historial de la Grande Guerre se trouve dans l’ancien château de Péronne. Devant, les marchands ont commencé à remballer leurs étals. Il n’y a plus grand monde dehors.
J’entre dans le musée. Désert. Je vais me tromper de QR code pour mon passe-vaccinal/sanitaire : non valide ! Avant de trouver le bon. Ouf ! Faut que j’organise ça mieux dans mon téléphone. Comme je n’ai pas l’application antiCovid…
A l’accueil, la personne me dit que c’est très très calme en ce moment. 10 visiteurs sont passés avant moi. Et il est midi. Elle m’explique l’organisation du musée, le film à l’accueil et me prévient que la visite peut durer 1h30 en tout. Je rigole, moi je suis venu exprès pour ça, alors le temps, je m’en balance pas mal ! Bref, une fois entré, je ne croiserai… personne !
Dans la cour se trouve une réplique d’un char Saint-Chamond, réalisée par des élèves lycée professionnel Le Corbusier de Tourcoing (page du site ici, lien Vimeo pour le timelapse du réassemblage ici)
Ce musée met l’accent sur des fragments de la Grande guerre. Ce n’est pas péjoratif.
Une première salle montre des éléments datant d’avant le conflit.
Des objets du quotidien, des affiches, des journaux, un rappel des alliances qui vont faire basculer l’assassinat de l’Archiduc d’Autriche en conflit mondial …
La publicité s’en mêle aussi. Quant au bourrage de crâne des petites têtes blondes, le frère de l’historien Lavisse s’en charge…
Du côté allemand, on n’est pas en reste… L’Empire colonial allemand pourtant restreint par rapport au français et surtout anglais, fait sa propagande : « Le soleil ne se couche pas sur l’Empire Allemand » et dont « L’avenir est sur l’eau« .
Pour la période du conflit, à nouveau différents aspects de l’époque sont abordés dans les différentes salles, et pas seulement le versant militaire, même s’il est important. Des journaux et mille et une petites choses qui montrent la guerre vécue par ceux du front mais pas uniquement. Cela donne l’ambiance qui pouvait régner pendant cette période.
Sur les photos suivantes, les « boites noires » sur les plots de la même couleur sont des bornes de visionnage de petits films d’époque (souvent issus de l’ECPAD) . Vous verrez il y en a pas mal… Se trouvent également des bornes tactiles permettent de préciser certains sujets (elles sont fonctionnelles à présent alors qu’elles avaient été désactivées plus tôt pendant la pandémie de Covid).
Les tenues de combat des différents belligérants avec leurs équipements sont exposées avec quelques descriptions. Quelques animations en réalité augmentée, plus ou moins heureuses je trouve, sont également présentées. Un aperçu ci-dessous…
L’uniforme français au début du conflit. Le lobby de la cochenille a transformé les soldats en cibles de tir aux pigeons…
Le soldat allemand était bien mieux camouflé…
L’équipement des hommes (et la tenue française) vont changer avec la guerre de position qui va rapidement s’installer.
L’équipement du soldat allemand
L’équipement du soldat anglais
Les colonies fournirent énormément d’hommes. Enrôlés de force côté français, volontaires dans les dominions britanniques, leurs uniformes étaient proches des troupes « régulières ».
Entrés en guerre tardivement en 1917, les Etats-Unis apportèrent des soldats bien équipés et nombreux.
Grandes faucheuses de vies, les mitrailleuses sont également exposées ainsi que leur dérivés, les fusils mitrailleurs. Quelques pièces d’artillerie de tranchées (à tir courbe de courte portée) sont également présentées. Côté allemand, il faut savoir que le poste de servant de mitrailleuse était le plus demandé malgré des pertes effroyables : elles étaient en effet systématiquement ciblées lors des offensives. Jamais pourtant il n’y eu de pénurie d’hommes pour les faire fonctionner.
Inutile de préciser que les casques, malgré leur amélioration, ne suffisaient pas toujours…
Il y a donc les armes, mais pas que ! Observation et communication ont connu un essor considérable. Même si les fils des téléphones étaient régulièrement coupés lors des bombardements, laissant les unités isolées, ils étaient très largement déployés sur le front. Il n’empêche que les pigeons ont été aussi d’un grand secours quand ils ne fonctionnaient plus (ou pas).
Ci-dessous, du matériel photographique. J’étais intrigué par celui situé en bas de l’image en forme de mitrailleuse. Après quelques recherches à la maison (car je n’ai peut-être pas bien potassé la documentation présentée sur place), il s’agit d’une « photo-mitrailleuse » qui servait à l’entraînement des mitrailleurs aériens embarqués. Les images prises (pas de projectile envoyé) permettait de juger l’acuité potentiel de leur tir (pour les anglophones lien ici).
Les débuts de l’aviation de guerre et des tanks sont également évoqués.
Des éléments de la fin du conflit et après sont également exposés.
Forcément les séquelles des blessures ne peuvent pas être passées sous silence.
On trouve également en exposition une série de tableaux à l’eau-forte d’Otto Dix, certains particulièrement terrifiants.
Pour terminer de manière plus légère cette présentation absolument non exhaustive, voici une porte sculptée qui a été retrouvée montrant différentes scènes de l’époque. Datation : 1915-1920.
Au total, ma visite aura duré près de 3h. Nous sommes loin des 90 minutes évoquées à l’accueil, et encore la partie sur la bataille de la Somme était fermée. Peut-être est-ce un appel à revenir ?!
La sortie arrière du musée (mesures sanitaires obligent) me fait faire le tour du bâtiment, moins rutilant que sur les photos de présentation qui doivent dater de quelques années. En dépit du temps maussade, l’immédiate proximité de l’étang du Cam est agréable.
Revenant devant l’entrée, il n’y a plus trace du marché. Les rues sont à peu près désertes. Je passe par une boulangerie. Pas de pain au raisin (enfer et damnation, ça fait au moins 3 sorties que je n’en trouve pas, il va falloir faire une pétition en ligne…), mais des chocolatines. Oui, oui, en Picardie c’est possible ! Bref pain au chocolat, chocolatine et brioche dans le sachet, je me dirige vers l’église toute proche. Mais la brioche et le pain au chocolat ne survivront pas au court trajet ! Seule la chocolatine trouvera refuge dans le top-case…
Je me retrouve donc devant l’église Saint Jean-Baptiste datant initialement du XVIe siècle.
Détruite une première fois par le siège des Prussiens entre 1870 et 1871, elle fut reconstruite à l’identique. Elle avait passé les deux premières années de guerre sans dommage, en zone occupée par les allemands depuis 1914. Mais les bombardements précédant la bataille de la Somme et leurs suites vont la ruiner. A la fin de la guerre elle quasiment intégralement détruite. Etant classée monument historique depuis 1907 elle a été reconstruite dans les années 30 sous la supervision des architectes des monuments historiques. Dans les deux cas la chapelle sud qui porte la fresque dite de la Bonne Mort datant de 1601 fut épargnée. Elle a aussi a subi quelques dommages pendant le deuxième conflit mondial.
Inutile de vous préciser qu’il n’y a pas foule dans l’édifice.
A l’intérieur, j’ai cette étrange impression qu’elle est aussi large que longue.
Je vais faire un petit tour du chœur…
La courte visite religieuse terminée, je me « rhabille » pour poursuivre mon petit périple. Et tant que je suis dans le coin, autant en profiter pour aller voir d’autres sites…
Historial
Eglise Saint-Jean-Baptiste
Mont-Saint-Quentin
Je prends la direction du Mont-Saint-Quentin, quartier au nord de Péronne. C’est là que se trouve la statue du ‘digger’ australien, le monument célébrant l’héroïque prise du mont par les troupes de la 2e division australienne en 1918 (cf. Entre Somme 1916 et Artois 1917) .
Je veux voir l’église située juste au-dessus. Je la verrai certes, mais ne pourrai la visiter car elle est close…
Me voici donc à nouveau en selle vers les autres destinations prévues. La suivante est située à Bony, distante de 23 km. Il est près de 15h. Le vent s’est levé, et pas qu’un peu.
A l’est, les 3 autres sites de visite :
Cimetière américain de la Somme
Monument américain de Bellicourt
Touage de Riqueval
Même si je roule moins vite que sur l’autoroute (je freine Ebba qui n’a qu’une envie, avancer 😉 ) je supporte plus que facilement mes épaisseurs chauffantes. Le ciel est toujours gris mais de manière moins intense, les nuages sont plus haut et moins épais… Le trajet n’est pas passionnant. J’emprunte la D6, et c’est tout droit au presque…
J’arrive au cimetière américain de la Somme, je passe le portail pour me garer sur le parking visiteurs. Personne. Comme à chaque fois cette étendue de croix ne me laisse pas indifférent. 1844 corps, 133 inconnus…
En remontant vers le haut du cimetière, je repère une tombe où une inscription en lettres dorées diffère des voisines. Ce sont la tombe d’un soldat tombé et décoré de la « Medal of Honor », plus haute distinction dans l’armée américaine.
Le temps gris n’égaye pas franchement le lieu et en cette saison les feuillus sont nus… Je descends vers la chapelle.
Coup de chance, je vais capturer la seule fugace éclaircie de la journée (enfin que j’aurais vue…)
Dans la chapelle située en bas du cimetière, les noms de 333 soldats disparus sont gravés.
Je repars pour quelques kilomètres et le monument américain de Bellicourt dédié au 2e corps américain et surtout aux unités qui franchirent le canal de Saint-Quentin le 29 septembre 1918 sur la ligne Hindenburg.
Situé juste avant Bellicourt et datant de 1930, au bord de la D1044 et exactement au-dessus du canal de Saint-Quentin, le monument fut créé par Paul P. Cret (qui a également réalisé le monument de la cote 204 à Chateau-Thierry et le cimetière militaire Aisne-Marne de Belleau).
Au dos , une carte présente l’offensive du 2ème Corps américain. Au sol une table d’orientation pointe différents lieux de combats.
Ma dernière halte de la journée (sans compter l’arrêt ultérieur pour acheter du pain pour le diner du soir 😆 ) est toute proche. Quelques hectomètres. Il s’agit du canal souterrain de Riqueval par lequel chemine le canal Saint-Quentin.
Long de 5670m et construit de 1802 à 1810, ce tunnel (le plus long tunnel fluvial de France) fut inauguré par Napoléon le 28 avril 1810. L’absence de ventilation empêche les bateaux d’utiliser leurs machines. Les péniches sont donc assemblées en convoi et tractées par un « toueur » à propulsion électrique qui progresse en se halant sur une chaine amarrée au fond du canal. La chaine mesure plus de 8km et pèse 96 tonnes… La vitesse est de 2,5 km/h et l’engin peut tracter jusqu’à 22 péniches. La traversée dure environ 3h (dixit les sites,) ce qui laissait le temps aux mariniers de se retrouver. L’ouverture du canal du nord a largement diminué le trafic sur celui de Saint-Quentin.
J’arrive devant l’office du tourisme et le musée du touage. Les deux sont fermés (le musée n’est ouvert qu’en semaine du mardi au vendredi. Pratique…). Le musée du touage (fermé à mon passage) est installé dans un ancien toueur entièrement restauré et transporté à cet endroit.
Juste à côté se trouve la plaque commémorative de l’inauguration par l’Empereur. Pas petite !
Je descends au niveau du canal. Encaissé, l’endroit est abrité du vent qui souffle assez fort.
pour observer les deux toueurs amarrés.
Un panneau fournit pas mal d’explications.
Les toueurs sont à quai.
Je m’approche du n°2… Chaine, glissière, poulies, cabestan ?
Malgré le temps gris, l’eau du canal est turquoise. Il y aurait-il un glacier dans le coin ??
Le canal Saint-Quentin avant (ou après selon le sens…) le souterrain.
Une vidéo (un peu scolaire) est là. Le toueur et son convoi sur cette plus longue vidéo : ici.
L’entrée du tunnel…
Un petit sentier permet de remonter vers le musée en surplombant le canal.
Je vais prendre ensuite le chemin du retour. Je m’étais prévu un chemin par les petites routes. Le vent souffle toujours fort et le ciel se dégage un peu.
Mais je n’avais pas prévu de passer autant de temps à Péronne. Du coup, quand la bruine a commencé à tomber avec la nuit, la prudence recommandait de prendre l’autoroute : de nuit, sans profiter du paysage, sous la flotte, sur des petites routes potentiellement fréquentées par les kamikazes du samedi soir, je passe mon tour !
Le GPS, que je suis bêtement, me fait faire un détour de 30 km pour la rejoindre. Et moi de prendre la mauvais direction une fois à la gare de péage ! Je prends l’A26 au lieu de me diriger vers l’A1. Bilan : + 50 km environ… Mais m’éviter les abords parisiens par le nord. Je prends cela comme un mal pour un bien.
Il me faudra faire un « splash and dash » comme on dit en F1 (quelques litres pour finir le trajet), histoire de ne pas tomber en rade d’essence. Inutile de vous préciser que je me suis copieusement ennuyé pendant ce retour. Mais quand j’ai vu la bazar sur l’A4 pour arriver à Paris par l’Est, j’ai pensé que les abords nord devaient être bien pires et que finalement je n’ai pas perdu autant de temps que ça…
Au final, le temps ne fut pas si mauvais, et même si une grande partie des 500 bornes parcourues étaient inintéressantes, je ne regrette le moins du monde mes visites ! Mais un retour dans ces terres par beau temps, ça pourrait être fort sympathique. A voir donc dans le futur…
4 commentaires
Dominique Allaire
Bonjour, merci pour le compte rendu.
Tu es un vrai spécialiste des conflits mondiaux….😊
Quelle tristesse ce monde 😕
Gueule.kc
Merci Dominique. Non, je ne suis pas un spécialiste. Je me suis intéressé initialement à ce conflit pour des raisons inhérentes à ma profession. Après, de fil en aiguille j’ai voulu apprendre. L’intérêt de l’Historial, c’est qu’il est un peu différent des musées classiques, plus pragmatique et plus « quotidien » dans son approche. C’est une autre manière de voir cette période. Mais oui, ce monde n’est pas reluisant… Merci de ta fidélité au blog !
Legaud Yves
Merci Arnaud magnifique reportage l’Art de raconter l’histoire sans lasser bisous Yves je viens de rentrer de Nîmes chez mes enfants….
Gueule.kc
Merci Yves …
Content que tu sois bien rentré ! Tu as retrouvé toutes tes bêtes !!